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Le Bigorneau pour les nuls : Petit lexique à l’usage des non-initiés

Y a des mots, des masses de mots chantait La Tordue. Et effectivement, si mon fils était un collégien, je lui validerais sans hésiter le palier de compétences « Maitrise de la langue ». Les doigts dans l’orifice nasal, même.  Tellement qu’il cause bien.

Mais comme il n’a que 15 mois, on va attendre un peu. Je ne voudrais pas faire de jaloux. Si ses progrès ne sont pas évidents pour le commun des mortels – gros nazes qu’ils sont – pour la maman que je suis, c’est tout bonnement époustouflant.

Par ordre d’arrivée, voici donc le lexique du Bigorneau. Vas-y Bigorneau, épate la galerie :

Maman

Tel fut son premier mot au doux âge de 10 mois. Fierté, pavanage devant le papa, bisque bisque rage.

Généralement hurlé prononcé d’un ton autoritaire et sans concession. Pour réclamer au choix : à manger, un truc tombé par terre pour la 253è fois, de l’attention.

Variante quand le Bigorneau veut se faire plaindre : mÔman (avec la bouche en cul de poule qui forme une petite moue adorable).

Papa

Arrivé en seconde position (nanananère), quelques jours plus tard, Papa est le mot hype du moment. Pas une conversation, en ville, chez des amis, ou tout simplement dans son bain, sans qu’il n’apparaisse. Tiens, à la réflexion, ses conversations sont constituées à 90% de ce mot. alors bien sûr, on varie, le rythme, le ton, la tessiture, mais au final, il est toujours question de papa.

Bref, le Papa est bien utile. Il désigne au choix :

– The papa

– Mais aussi tout homme qui approche le Bigorneau (succès garanti dans les rayons du Leclerc, quand le Bigorneau interpelle M. Duschmoll à l’autre bout du rayon surgelés). S’ensuit beaucoup de blagues pour The papa, autour de sa supposée paternité.

– Ou encore, une mouche, un bout de pain, une cuiller, un caillou, un merle, un arrosoir, un flacon de gel douche. La liste est longue,  je vous épargnerai. En fait, lisez ce lexique jusqu’au bout pour savoir quand le Bigorneau n’utilise pas le mot Papa.

– Enfin, dernier avantage, et non le moindre, « papa » permet de fredonner allégrement, Un deux trois nous irons au bois, alors qu’on ne connait pas les paroles.

Chantez avec moi : Papapa PapapapApa !

C’est sûrement transférable à plein de supers chansons qu’on n’a pas encore apprises. Pratique, non ?

Chapi

C’est le chat. Mais, avec le Bigorneau, il s’appellerait plutôt Api ou Papi, selon les jours. Tout de suite, on cerne ses priorités et on voit qui est vraiment important dans sa vie. Et le chat l’est, important. En moyenne 25 fois par jour, le Bigorneau va tendre son petit bras potelé au bout duquel se trouve un petit index tout aussi potelé et hurler s’écrier : Api ! Et il ne s’arrêtera pas tant que vous ne lui aurez pas signifié d’une façon ou d’une autre, que oui, c’est merveilleux, extraordinaire, incroyable, bouleversifiant, c’est bien le chat qui vient d’entrer dans la pièce.

On a pourtant cru, à l’âge de 11 mois, qu’il allait enfin s’exprimer comme tout le monde, lorsqu’il s’est mis à répéter en boucle, sans faute, cette phrase inoubliable : » Il est là-bas, Chapi ». Mais ce fut un faux espoir car plus il la répétait, plus il la déformait. La lose. Le Bigorneau ne sera donc pas Prix Nobel de Littérature (bah quoi, on vise haut sur le rocher) à l’âge de 24 mois.

Notons toutefois, quelques avantages notables à l’utilisation du Chapi :

1) Il sert d’avertisseur sonore pour le chat, qui, dès qu’il l’entend, prend ses pattes à son cou. On évite ainsi quelques légers traumatismes.

2) Les papis légitimes – innocents qu’ils sont – sont tout flattés d’être l’objet des attentions langagières du Bigorneau dès que le chat est dans la pièce. Parce qu’il ne faut pas déconner, on n’appelle pas son papi papi quand on est un Bigorneau. On a des priorités, je vous le répète.

3) Pas la peine de s’ennuyer à apprendre le nom des animaux poilus à 4 pattes, ressemblant de près ou de loin à un chat, ce sera un Papi ! Et hop, ni vu ni connu, je t’embrouille.

Non

3è ex-aequo. Le non est beaucoup plus efficace quand prononcé avec gravité et emphase : Nononononon.

Mais pour décontenancer votre interlocuteur, vous pouvez l’asséner d’un ton franc et sans équivoqe, le tout accompagné d’un geste de la main pour repousser l’opportun : NON !

C’est clair. Non ?

Coucou

Est-ce vraiment un mot ? Ou plutôt : est-ce vraiment un mot quand il n’est prononcé correctement que pour imiter l’oiseau de nos bois ? Ou celui qui sort de la petite boîte pour donner l’heure ?

Parce que le Bigorneau imite à la perfection le coucou qu’il entend chanter dans le jardin.

Par contre, quand il s’agit de dire bonjour en secouant sa petite mimine, il préfère dire… Caca ! C’est tellement plus classe et puis, quand vous saluez tous les inconnus que vous croisez, ça offre de sympathiques accroches de conversation.

En construction

Aléatoires, pas toujours reconnaissable, juste avec l’intonation mais sans les bonnes syllabes, avec les bonnes syllabes mais dans le désordre, nous pouvons ajouter à notre liste :

– Merci

– Au revoir

– Coccinelle (mais il faut avoir l’ouïe fine ou beaucoup d’imagination)

– Là-bas

– Chien (Plutôt quin ou quien)

– Bateau (de bateau sur l’eau)

– Sur l’eau (avec le bateau)

J’oscille entre impatience et anxiété à l’idée qu’un jour, il saura vraiment parler.

Impatience, parce que c’est tout de même bien pratique (et mignon) et que ça nous évitera un certain nombre de cris et de crises.

Anxiété, parce que vu le débit de paroles du Bigorneau depuis toujours, je vais enfin  avoir une concurrence sérieuse sur le rocher.

Et vous, ils disent quoi vos crustacés ?

PS: Non, vous n’hallucinez pas, le blog a encore changé de tête. Et oui, c’est bien une nouvelle rubrique. Je fais ce que j’veux d’abord ! Zêtes pas ma mère ! Hmmm, désolée. Sincèrement, la motivation est aux abonnés absent, je n’ai pas beaucoup d’idées et je n’ai pas fini un livre depuis un moment, alors je me remotive avec ce qui occupe la majeure partie de mon temps : Ze Bigorneau.

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Errare humanum est – Alain Rey et moi (5)

Qui n’a jamais découvert avec stupéfaction qu’il se trompait depuis des années sur l’orthographe d’un mot ou le sens d’une expression ? Parce que certains mots, on les voit tellement peu écrits, que l’erreur persiste parfois pendant des décennies.

Moi, par exemple, ce n’est qu’à l’âge de 18 ans environ, que j’ai appris que les petites boules de farine dans la pâte à crêpe ne s’appelait pas des poulouts, mais des…grumeaux ! Merci mamie qui parle breton sans m’en informer. Heureusement, ce n’est pas un mot que j’avais beaucoup l’habitude d’utiliser en société à l’époque.

Le pot aux roses

Tout ça est beaucoup moins drôle qu’une faute, j’en suis sûre très courante, et que m’a avoué avoir commise pendant des années mon cher et tendre.

Quand il entendait qu’on avait « découvert le pot aux roses », voici ce qu’il imaginait :

Ben oui, ça sonne pareil, non ?

Il faut dire que l’origine de cette expression n’est pas claire du tout, alors pourquoi pas imaginer que c’est un poteau rose qui était dissimulé plutôt qu’un pot aux roses ? A l’oral, rien ne permet de faire la distinction.

On trouve beaucoup d’explications quant à l’origine de ce pot aux roses et de sa découverte. Certaines, très séduisantes, seraient tout à fait romanesques comme celle de M. Rat pour qui le pot aux roses serait un pot de fleur contenant des roses et sous lequel se cache un billet doux.

Pour ma part, je m’en tiendrai à l’explication de mon très cher Alain Rey dans son Dictionnaire des expressions et locutions chez Robert. Et ça commence moins poétiquement : apparue au XIIIe, l’expression était XIVe et XVe siècles en concurrence avec découvrir le pot pourri. Les roses l’emporteront finalement.

Apparemment, il s’agirait d’une équivoque sur la polysémie de découvrir « soulever le couvercle » et « trouver( un secret) ». On renforce ensuite  l’expression par l’ajout de aux roses, évoquant une préparation particulièrement rare ou un secret.  Les valeurs érotiques de la rose, virginité, hymen, ne sont peut-être pas très loin. D’autant plus que le pot est lui-même souvent associé à la chose comme métaphore du derrière.

Quand on découvre le pot aux roses, on met généralement la main sur un secret bien juteux.

Tomber dans le panneau

Dans la famille des expressions qui n’ont , pour moi, aucun sens : Tomber dans le panneau. Si je comprends tout à fait ce qu’elle signifie, je ne vois pas :

a) Comment on tombe dans un panneau, à moins d’avoir 3 grammes dans chaque poche, et encore…

b) En quoi tomber dans un hypothétique panneau a un rapport avec un quelconque piège.

Et c’est là qu’Alain, une fois de plus, intervint et me sauva de l’ignorance. Que ferais-je sans cet homme ?

D’abord utilisé sous la forme pannel, pour désigner un morceau d’étoffe en couture, le mot passe dans le vocabulaire de la chasse. En 1283, il désigne un morceau de filet tendu utilisé pour capturer le gibier !

Et tout à coup, c’est clair comme de l’eau de vie : quand on tombe dans le panneau, c’est qu’on s’est fait eu comme un crétin d’animal.

Je suis sûre qu’on a tous un palmarès honteux, qui remonte généralement à notre tendre enfance, alors n’hésitez pas à m’en faire part !

Pour vous mettre en confiance, je peux vous avouer que c’est mon chéri qui m’a appris, la vingtaine passée, qu’il n’y avait vraiment aucun risque de rester coincé si on louchait en même temps qu’un courant d’air passait. C’est dire si vous pouvez tout dire sans crainte, ici…

Je vous donne rendez-vous samedi et dimanche :  le week-end présidentiel, c’est aussi sur Le coin de ma page !

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Elle est où la poulette ? – Mes élèves sont hilarants 2

La poulette

En cette période d’œufs et de lapins de Pâques, il convient d’évoquer la double vie de la poulette.

Parce que, bêtement, quand on est moi – et vous, j’en suis sûre – une poulette, c’est une petite poule. Qui fait côt-côt, ou pas. Mais qui a des plumes, c’est imparable.

A la rigueur une poulette peut désigner une femme. Ce qui me fait penser qu’il faut que je vous parle un jour des magasins qui ne savent pas choisir leur nom. Comme « Chez Cocotte ». Parce qu’à moins d’avoir envie d’être fringuée comme une pute, j’éviterais d’y faire mes achats.

Pour en revenir à nos gallinacées, que ne fut ma stupéfaction d’entendre prononcer son nom lors d’un de mes cours. Qui généralement s’y prêtent peu.

« Madame, j’ai une poulette ! », s’exclama K.

Je clignai des yeux plusieurs fois et m’assurai rapidement qu’aucun volatile ne trainait dans les environs.

Une fois rassurée, mon neurone ne fit qu’un tour sur lui-même, et j’eus cette réaction dont toute la planète, depuis, m’envie l’éloquence :

« Hein ? »

 » J’ai une poulette, je peux pas écrire. »

   

Je vous laisse imaginer ce qui traversa ma petite tête quand j’eus compris qu’il n’y avait pas erreur de prononciation. Il était bien question de poulette.

Ce n’est que quand K. joignit enfin le geste à la parole – il craignait pour ma santé mentale –  que ses propos me parurent limpides.

Sur son doigt, trônait une superbe et blanchâtre ampoule, due sans aucun doute à un travail acharné à l’école (ahahah).

Ben oui, une petite ampoule, une poulette, quoi !

Régionalisme ? Inculture de ma part ? Pauvreté de mon patois ?

En tout cas, inutile de vous dire que j’étais la seule dans la salle à n’avoir jamais entendu cette expression…

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Alain Rey et moi (3) – Rambo

Précédemment dans Alain Rey et moi, Coffee faisait une plongée sous la couette. En poil d’eider, excusez du peu. C’était donc l’occasion idéale pour se visionner un petit film.

Croyez-le, croyez-le pas, je n’ai jamais vu un seul Rambo. Je connais le personnage, m’en suis moquée comme tout le monde, mais les films de guerre et moi, ça fait 18, 19 si Sly est de la partie.

Et c’est un tort. Parce que du coup, des informations cruciales m’échappent. Heureusement que j’ai un collègue culturé, avec une belle mèche, pour combler mon ignorance.

Comme le fait qu’avant d’être un film, Rambo était un livre. Avec des lettres, et des mots et pas d’illustrations. Si, si, juré, craché. Ça s’appelait même First Blood. Ça sonne familier ? Non ? Alors, essayez plutôt de prononcer le nom de Rambo à l’américaine. Je sais, je vous ai déjà fait le coup avec édredon. Mais franchement, c’est pas de ma faute si tout ce qui sépare la langue française de la langue anglaise, c’est une patate chaude dans la bouche.

Donc, prononcez ce nom à l’américaine, tout en gardant à l’esprit que Monsieur Morrell était professeur de Littérature. Rambo serait donc la déformation de … Allez, faisons durer le suspense.

David Morrell explique lui-même sur son site que cette inspiration pour le nom de Rambo fut double. Et fort hilarante, si vous me demandez mon avis.

Ce nom lui aurait été inspiré par une pomme et un poète. Ahahahah. Riez. Mais c’est pas beau de se moquer.

Sa femme lui avait acheté des Rambo apples, qu’il trouva délicieuses et aussitôt, hop, celà lui fit penser à la façon dont certains prononçaient le nom de Rimbaud, dont l’oeuvre la plus célèbre est Une Saison en enfer: « une métaphore très adaptée à l’expérience de prisonnier de guerre que j’imaginais Rambo avoir enduré », déclare-t’il. Le prénom John sera ajouté par les scénaristes, en référence à une célèbre chanson de la Guerre Civile « When Johnny comes marching home ».

Comme quoi, le destin d’un personnage ne tient pas à grand chose. Imaginez que sa femme ait acheté des poires. Ou des bananes.

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Alain Rey et moi (2) – Édredon

Précédemment dans Alain Rey et moi : Dans un effort insensé de séduction linguistique, Coffee mélange anglais et alcool.

Dans l’épisode two, après les fleurs et le Champagne, Coffee passe directement au lit.

Mon sens aigu de l’observation (et ma modestie) m’a fait noter qu’une partie significative du vocabulaire anglais ressemblait à de l’ancien français. Ou en tout cas, à un état antérieur de la langue française. Pensez à tous les mots à accent circonflexe et leur équivalent anglais (hospital, hostel, forest…). C’est comme si on leur avait appris deux-trois trucs et qu’on s’était ensuite séparés. Ce qui, historiquement, est d’ailleurs le cas. Hein, Aliénor ?

Coin-Coin !

Du coup, le jour où je tombe nez à nez avec le mot « eiderdown », ni une ni deux, je me marre. Ben oui, parce qu’un « eiderdown », c’est un « édredon » ! Et essayez d’ailleurs de le prononcer avec un faux accent anglais dégoulinant : ça donne exactement ça « eille-deur-done ». D’où ma soudaine hilarité. Ces nazes de rosbeef, de vraies caricatures, ils auraient pu s’inventer un mot plutôt que de piquer le nôtre et de tout le déformer.

Et c’est là que la honte m’étourdit. Alain, ô Alain, pardonne-moi. Ça ne s’est pas du tout passé comme ça.

Les anglais ont créé leur mot et nous, on a volé le nôtre.

Quoi, Coin-Coin ?

« Eiderdown », c’est littéralement du duvet (Down) d’Eider. L’Eider étant, c’est bien connu, un canard. Le mot désignera donc ensuite, par métonymie, la couverture fabriquée à partir de duvet d’eider.

L’histoire d’édredon est la même sauf que nous, on ne s’est même pas embêté à faire la traduction, on a carrément emprunté le mot aux danois. Qui s’y connaissent sûrement en canards. « Eder », c’est l’eider, et » duun », c’est le duvet.

Du coup, on n’a plus le droit de se moquer, et c’est bien dommage.

Par contre, si on vous demande de « faire l’édredon » ou qu’on vous traite de « voleuse à l’édredon », vous avez le droit de sortir votre plus belle insulte, anglaise ou danoise, au choix.

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