Je suis déçue, déçue, déçue. Zoo City, conseillé par tous, acclamé par la critique SF, s’annonçait comme un excellent roman de divertissement. On me l’avait présenté comme une nouvelle version de La croisée des mondes, en plus adulte, drôle d’amalgame. Et c’est là que j’aurais peut-être dû me méfier.
Zoo City se passe dans un Johannesburg post-appartheid, violent et inégalitaire. Et toute l’originalité du roman repose sur la raison de cette fracture. Un mal ronge l’Afrique en feu mais aussi le monde entier et le scinde en deux: soit vous êtes un criminel, un rebut de la société ou vous n’avez rien à vous reprocher, soit vous avez un familier ou vous n’en avez pas. C’est un peu une version modernisée de Le Bon, la Brute et le Truand, quoi.
Mais on n’est pas chez Clint, et ce familier – moineau, pingouin, paresseux – vous ne naissez pas avec, il vous tombe littéralement dessus : il est la preuve vivante de votre culpabilité. Et dès lors que vous l’acquérez votre vie change, les règles changent :
– Il meurt, vous mourez.
– Avec lui, vous « gagnez » un don, un pouvoir psychique.
Zinzi December est une héroïne comme on les aime : forte, indépendante, vive d’esprit, à la vie chaotique et désordonnée. Ancienne journaliste devenue droguée devenue meurtrière devenue Zoo/animalée, c’est elle qu’on suit dans les recoins les plus obscurs de cet univers.
Jusque là, c’est très prometteur, non ?
Eh bien, c’est là que réside le problème de cette lecture : elle m’a frustrée. Sur le papier, le potentiel est tellement riche, les idées tellement bonnes, que la réalisation, honnête mais très commune, m’a laissée sur le bord de la route.
Zinzi a un don assez sympathique : elle retrouve ce qui a été perdu. Jusqu’à présent, elle s’est limitée aux objets, mais le couteau placé sous la gorge par son ex-dealer, elle accepte de retrouver Song, une jeune chanteuse, pour son producteur. Et là, c’est le drame.
Ce fil narratif va certes nous permettre d’avoir un aperçu de la vie et des talents de Zinzi, d’avoir un goût de la ville et de la faune qui s’y cache. Mais on se concentre tellement sur cette histoire, au final inintéressante et sans rapport avec les autres thèmes soulevés, qu’on survole tout le reste.
Pourquoi se lancer dans une ennuyeuse histoire d’enlèvement quand on a tant de possibilités narratives ?
Pourquoi se concentrer sur ces enfants-chanteurs sans profondeur au détriment de Benoit, l’amoureux réfugié rwandais à la double vie, ou même D’Nice et Marabout, deux vilains à peine dépeints ?
Même quand la magie arrive de plein fouet dans la vie de Zinzi, à la fin du roman, ça tombe comme un cheveu sur la soupe. Pourtant, là encore, le potentiel est là car les rares scènes de magie sont réussies. De toutes façons, quand l’intrigue principale vous fait bailler, c’est mauvais signe.
Attention, c’est loin d’être un mauvais roman : on le lit en entier sans difficulté, l’originalité est là. Mais j’ai eu en permanence le sentiment d’être en décalage avec l’auteur. Elle m’emmène dans des directions qui m’ennuient -l’enquête policière, la course poursuite, la Pop musique- et délaisse celles qui m’apparaissaient vraiment dignes d’intérêt, et certainement beaucoup plus sombres. Parce que c’est bien joli, on parle drogue, meurtre, sexe, mais on n’en voit rien. Tout cela glisse sur les personnages, à peine croqués. La construction des personnages n’est pas le fort de Lauren Beukes: ils sonnent vide.
Au final, Zoo City est un bon roman… de Littérature Jeunesse ! La comparaison avec La croisée des mondes se limite à la présence des familiers : l’univers et l’écriture de Pullman sont bien plus à mon goût.
Je n’ai pas trouvé ici la complexité et la force auxquelles je m’attendais quand on parle morale, culpabilité, mort et survie.
Titre original : Zoo City
Langue: français
Éditeur : Eclipse
Thèmes : Culpabilité, Violence, Mort, Survie
Pages : 344
1re publication : 2010, traduit en 2011