Encore un livre acheté sur conseil de la blogosphère. Encore un livre qui me fait un-peu-mais-pas-trop chier. Encore un livre qui me déçoit. Encore un livre que tout le monde semble aimer, sauf moi.
Où vais-je ? Dans quel état j’erre ?
Soit je n’ai pas les mêmes goûts que la majorité et devrais donc m’abstenir de suivre ses conseils, soit j’ai un problème avec les romans sur le 11 Septembre (j’avais détesté L’homme qui tombe).
Je comprends le succès de ce roman, je ne dis même pas qu’il est usurpé, et dans d’autres circonstances, je l’aurais peut-être classé dans les bonnes lectures de l’été.
Mais là, c’est l’overdose.
J’ai trop de choses à leur reprocher, à lui et à ses compères. Car, l’histoire a beau être originale, j’ai une très forte impression de déjà-vu : lieu, style, époque, personnages me sont trop familiers.
Si ce n’est toi, c’est donc ton frère, vous n’avez pas encore jeté le moule ?
Extrêmement fort et incroyablement près, EFIP pour faire court, raconte comment Oskar, jeune-surdoué-handicapé-social-Asperger-que-c-est-original, essaie de vivre après la mort de son père dans les attentats du 11 Septembre. On le suit alors qu’il parcourt New York, de rencontre en rencontre, à la recherche de ce que peut bien ouvrir la clé qu’il a trouvée dans les affaires de son défunt père.
C’est émouvant, on y verse même des larmes de crocodile car c’est impossible de rester insensible à la détresse de ce petit garçon. Il a perdu son papa, il est triste, il en veut à sa mère, sa naïveté est touchante et il sait révéler le meilleur chez les gens qu’il rencontre. Quoi ne pas aimer ici ?
Eh bien tout ça, justement.
C’est mignon, c’est touchant, ça déborde de bons sentiments.
On sourit juste quand il faut, parce ça ferait mauvais genre de finir noyés dans ses propres larmes. Les remarques innocentes du petit Oskar font mouche à tous les coup, on note même une ou deux phrases bien tournées sur la vie à recaser au prochain diner en ville, tout est très réussi.
Et on finit par se faire chier.
Parce que les romans dont le narrateur est un jeune garçon si intelligent et si incompris mais tellement poète et philosophe du monde qu’on a envie de le serrer très fort dans ses bras, ben j’ai l’impression que ma bibliothèque en est empli ces derniers temps.
2 surdoués en 2 mois, c’est trop.
Le filon est épuisé, les mécanismes connus, je n’arrive pas à être surprise et à ne pas hausser les yeux au ciel à chaque « originalité » de notre petit prodige.
Et puis les héros de moins 1m50, ça commence à m’ennuyer très profondément. C’est mignon, mais c’est niais. Y a rien à faire, j’ai envie de les claquer. Leurs problèmes ne sont définitivement pas les miens. Et tant mieux.
J’en ai marre de cette littérature de la facilité, qui se contente d’une intrigue originale, de deux-trois personnages attachants et consensuels, et ne prend aucun risque.
Aucun risque dans l’exploration des thématiques, dans la psychologie. Mais aussi aucun risque littéraire.
Il parait qu’il y a un style Jonathan Safran Foer.
Ah.
Quand Oskar s’exprime, j’entends la voix de tous les petits Asperger de la littérature contemporaine. Avec les mêmes tics, les mêmes supposés modes de pensée, les mêmes obsessions, les mêmes passions.
Euh, j’avais pas dit au début de l’article que tout n’était pas à jeter ?
Heureusement, une partie du récit m’a bien accrochée et c’est là que je me suis rendue compte que quelque chose clochait. Il s’agit de l’histoire du grand-père et de la grand-mère d’Oskar qui suit le récit du petit garçon en filigrane. Ce sont eux qui parlent à tour de rôle, et on assiste à une sorte de flux de conscience des personnages, leurs récits s’emmêlent et démêlent un passé douloureux et complexe. Et pour le coup, leur histoire d’amour est, elle, loin d’être niaise. Si j’avais été JSF, c’est cette histoire et elle seule qu’il m’aurait intéressé de raconter. C’est en tout cas les seuls passages que je qualifierais de Littérature, avec un grand L.
Le reste, c’est de la littérature jeunesse déguisée. J’aime beaucoup ça, parfois, mais là je pensais trouver quelque chose d’un peu plus profond et mature.
À me lire, vous allez penser que j’ai détesté ce roman et que je suis très snob, ce n’est pas le cas. En tout cas, pas pour le premier. Je n’ai pas passé un moment désagréable. J’ai juste réalisé à la lecture de cette histoire que ce type d’écriture n’est pas fait pour moi.
Ce n’est pas ce que je recherche quand j’ouvre un livre, et EFIP tombe très mal. Sur 8 romans lus cette année, 3 ont reçu des critiques dithyrambiques sur le net et tous les trois m’ont, à différents degrés, ennuyée. C’est beaucoup.
J’ai besoin qu’un roman m’apporte un peu plus qu’un simple bon moment, aussitôt passé, aussitôt oublié. Et c’est valable aussi pour les purs divertissements. Toutes les lectures ne peuvent pas être impérissables, bien sûr, mais un roman n’est pas qu’une belle histoire joliment racontée et qui fait rire ou pleurer.
Arrêtez le pathos, les papas décédés et les petits enfants malheureux. Ça marche, oui, sur moi la première, véritable fontaine salée. Mais qu’est-ce que ça nous apporte finalement ?
Est-ce qu’on en sort changé ? Grandi ?
Est-ce que notre lecture va continuer à nous accompagner ?
A-t-elle été autre chose qu’un pur moment de loisir ? De consommation, oserais-je dire ?
Je sais bien qu’on ne lit pas tous pour ces raisons-là et je ne peux pas raisonnablement exiger de chacune de mes lectures de changer ma vie. Pourtant, je crois que les seules qui me satisfont sont celles qui tendent vers ça, qui essaient d’y parvenir, même maladroitement, même fugacement.
Je ne veux pas d’un pâle miroir de la vie. Je veux encore moins d’une copie de miroir de la vie.
J’ai besoin qu’une lecture parle à mon cœur, mais surtout à ma tête. J’ai besoin qu’elle ne secoue mes conceptions sur le monde et la vie, qu’elle me perturbe, qu’elle m’instruise, qu’elle me poursuive, qu’elle m’ouvre des horizons, qu’elle transforme le monde, qu’elle crée le monde.
Rien que ça.
Je ne suis pas exigeante.
Si ?