Les éditeurs français sont-ils des boulets ?

Ceci est une liseuse

Ou alors, les finesses de l’édition m’échappent complétement.

Je suis passée du côté obscur de la force et suis donc, depuis peu, l’heureuse propriétaire d’un Kindle touch. Vous savez, l’énorme succès d’Amazon, la liseuse à encre électronique. et j’en suis très contente, là n’est pas l’objet de cet article. Je ne rentrerai pas non plus dans le débat sur le tort que le livre électronique cause aux librairies indépendantes.

Le problème, ici, ce n’est pas le Kindle, mais l’offre de livres en français qui est proposée pour ce support.

Petit historique :

Le Kindle a été lancé aux États-Unis en 2007, et la version internationale de l’appareil est disponible depuis 2009 dans plus de 100 pays. Les chiffres ne sont pas disponibles, mais ça doit représenter un beau paquet de ventes. Des millions, sûrement.

Il est arrivé en France en 2011 pour la version de base et en 2012, pour la version Touch. Les éditeurs français n’ont donc pas été pris par surprise et avaient tout le temps de se préparer à la demande qui s’annonçait, vu le succès ailleurs. Et pourtant, il suffit que je regarde le catalogue français disponible pour que ça me mette en rogne.

Les prix

En grande naïve que je suis, j’ai pensé que j’allais faire des économies en achetant des ebooks en place du traditionnel livre papier. Que nenni ! Les ebooks français sont souvent aussi chers que la version papier, si ce n’est plus !

Petits exemples à l’appui :

Prenons quelques très bonnes ventes, disponibles en poche, d’époques, de lieux et d’horizons divers.  Accrochez-vous bien, c’est à n’y rien comprendre.

   

L’étranger, Albert Camus :      Et si c’était vrai, Marc Lévy :     Ça, tome 1, Stephen King :

ebook : 5,49 eur.                             ebook : 9,99 eur,                           ebook : 16,99 eur,

poche: 5,04 eur.                               poche : 5,80 eur                            poche : 7,69 eur

Et ce ne sont malheureusement pas des exceptions ! L’ebook est très souvent plus cher que la version papier. Il va falloir m’expliquer comment, parce que même si Amazon prend une commission importante, il me semble que les frais pour l’éditeur sont quand même sacrément réduits, non ?

Comment Albin Michel justifie-t-il de vendre son ebook au prix d’un broché ? Il me semblait que l’attrait d’un broché était dans l’objet, son format, la qualité de son papier. On payait aussi la nouveauté. Mais là, rien de tout ça ! Ils nous prennent vraiment pour des truffes s’ils pensent qu’on va accepter de débourser autant. Et hop, une vente qui ne se fera pas. Je déteste qu’on se paie ma poire en espérant que je ne remarque pas.

Le choix

Misère, misère ! Qu’il est indigent ce catalogue français. Si vous aimez la chick-lit ou la bit-lit, les nouveautés grand public, vous trouverez peut-être votre bonheur. Mais essayez de trouver une oeuvre de plus de 2-3 ans, traduction ou non, et c’est le désert. Le mot mansucrit n’a jamais aussi bien porté son nom, puisqu’apparemment les éditeurs n’ont jamais rentré l’une de leurs oeuvres sous format numérique. C’est en tout cas la seule explication que j’ai trouvée à l’absence de 95% du catalogue de certains éditeurs au format numérique. C’est sûr que s’ils en sont à embaucher de pauvres stagiaires pour taper tous les petits romans de leur collection avec leur petites mimines, on n’est pas sortis de l’auberge…

Un petit panel de mes recherches et déceptions :

– Actes-Sud, Babel : Adios Paul Auster, Russel Banks, Nancy Huston and Co. Au mieux, vous trouverez le dernier roman, mais rien de plus ancien.

– L’oeuvre de Joyce Carol Oates est portée disparue, tout comme celle de Cormac McCarthy, Pete Dexter, Colum McCann, Hubert Selby Jr., Augusten Burroughs,  et là encore, 90% du catalogue 10/18 ou seuil.

Des solutions ?

Si vous lisez en français, et uniquement en français, il existe des solutions, mais à la limite de la légalité. Car, pour palier le manque d’offres sur certains titres, des blogs amateurs se sont montés sur le net afin d’offrir gratuitement les titres manquants. Leur argument légal ? Chacun a droit à une copie de sauvegarde d’un exemplaire papier qu’il possède déjà. Vous pouvez donc télécharger de nombreux romans chez La Team Alexandriz, ou encore sur ebooks-fr, mais ce n’est pas considéré comme du piratage à condition que vous soyez déjà propriétaire de l’œuvre. Honnêtement, j’y ai trouvé une offre bien plus alléchante que chez Mamazone…

Si vous lisez en anglais, vous n’avez aucun souci à vous faire, car les éditeurs d’outre-manche et d’outre-atlantique ne sont pas des petits bras frileux et recroquevillés sur eux-mêmes. Ils ont joué le jeu du livre numérique et ils fleurissent ! Le catalogue est riche et abordable. Eux, au moins, n’essaient pas de nous refourguer au prix fort un livre vieux de 10 ans et sorti en poche depuis 5. On trouve de tout, pour toutes les bourses, et même pour les plus percées.

D’ailleurs, ne manquez pas de visitez l’Offre éclair de Mamazone : tous les jours, une œuvre (roman, essai, BD…) est proposée pour la modique somme de 0.99 eur. C’est inégal, mais on peut tomber sur de petites perles à prix sacrifié. J’y ai acheté récemment, toujours en anglais, Coraline de N. Gailman, Simon’s cat 2, Perdido Street Station de China Mieville, The Help de K. Stockett, le 1er volume de la Trilogie Ender et bien d’autres.

A mettre en favoris et à consulter tous les jours.

Les éditeurs ont-ils peur que lancer un livre numérique sur le marché favorisera le piratage ? Certes, c’est sans doute une crainte fondée. Mais leur stratégie ne tient pas la route. S’ils ne sont pas capables d’offrir à leurs clients une offre décente, à des prix raisonnables, nous (enfin, je) irons chercher cette offre ailleurs. Et pourtant, je suis de celles et de ceux qui dépensent chaque mois des sommes importantes en produits culturels, essentiellement en livres. Je serais bien évidemment prête à payer pour mes ebooks en français, même si une offre illégale existait en parallèle.

Mais là, j’ai tellement l’impression d’être méprisée voire prise pour une idiote que ça me donne des envies de dissidence et me pousserait à ne plus lâcher un centime à ces maisons d’édition, par pur esprit de contradiction.

Messieurs les éditeurs, réagissez ou vous n’aurez bientôt plus que vos yeux et un portefeuille vide pour pleurer.

Addendum : SFReader a répondu à cet article sur son blog et il y apporte des précisions très intéressantes : Les éditeurs français ne sont pas des boulets

Sinon, pour un avis complet sur le Kindle Touch, lisez le très bon article de Ruerivard.

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52 réflexions sur “Les éditeurs français sont-ils des boulets ?

  1. […] } #themeHeader #titleAndDescription * { color: black; } coffeescorner.wordpress.com – Today, 8:19 […]

    • Pour prolonger le sujet, cette récente information: aux Etats-Unis, durant le premier trimestre 2012, le chiffre d’affaires des ventes d’ebooks a dépassé sensiblement – et pour la première fois – celui des « hardcovers », romans et essais reliés de la catégorie « adultes ». Le prix moyen des ebooks tournant là-bas autour de 3 $ grâce à l’offre de milliers d’auteurs indépendants autopubliés, cela signifie que bien plus d’ebooks que de lives imprimés ont été vendus durant cette période. – http://www.inquisitr.com/257286/ebook-sales-now-beating-out-hardcovers-in-u-s/

      D’une manière plus générale, Mark Coker, fondateur de Smashwords, explique ici les enjeux du numérique et la remise en cause qu’elle implique pour les éditeurs traditionnels: http://www.florianrochat.com/wp/?p=64 J’en retiens ceci: nous allons vers une surabondance de titres, qui aura pour conséquence de faire fonctionner la vielle loi de l’offre et de la demande: les prix baisseront. En France aussi, dans pas très longtemps.

      Et puisque les auteurs autopubliés ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se faire une pub nécessaire, voici un roman pas cher: http://www.florianrochat.com/index.htm

  2. TheSFReader dit :

    Bonjour ! Lecteur numérique depuis quelque temps, je ne peux qu’être d’accord avec une grande partie de votre billet. Pour autant, vous occultez je crois un pan de l’édition qui est en passe de prendre de l’importance de ce côté de l’Atlantique, mais qui en a déjà aux USA : l’édition indépendante.

    En français, notamment, un certain nombre de petits éditeurs purement numériques a vu le jour, qui proposent des oeuvres (de qualité variées il est vrai) à des conditions tout-à-fait correctes (tant au niveau prix que verrouillage). Je peux citer par exemple Walrus, NumerikLivres, Publie.Net.

    Côté anglophone, le phénomène est bien plus étendu, et du coup met une pression bien plus importante sur les grands éditeurs, ce qui peut expliquer d’ailleurs la meilleure offre là bas. Il faut bien noter que le Kindle a été vendu aux US 2-3 ans plus tôt qu’en France. Le marché y est bien plus mûr et les éditeurs ont dû s’y adapter plus tôt.

    Il est, comme vous l’avez bien noté dans votre billet, ahurissant que les éditeurs Français n’aient pas anticipé sur le marché local en prenant exemple sur le marché US…

    En fin, et si vous permettez, je vais mettre un lien vers un forum que j’ai ouvert, dédié à la lecture numérique (sur Kindle, mais aussi sur les autres liseuses, tablettes, PC ou smartphones…) : http://lire-numerique.com

    Sur mon blog, je chronique régulièrement les livres que je lis, surtout d’ailleurs issus de l’édition indépendante, que ce soit en français ou en anglais.

    • Coffee dit :

      Merci de votre réaction !
      il est vrai que je ne connais absolument pas l’édition indépendante. Je ne réagissais ici qu’aux offres des grandes maisons, celles que j’ai l’habitude de lire en format papier.
      Je pense, par contre, que ces mêmes grands éditeurs refusent le livre numérique, qui les effraie, plus qu’ils ne mettent de temps à s’y adapter.
      J’ai pris bonne note des liens que vous avez cités, j’irai y faire un tour. Mais parcourir l’édition indépendante demande un temps que je n’ai pas forcément.

  3. Ce n’est pas le catalogue d’amazon pour les oeuvres françaises qui est indigent, c’est votre curiosité qui, apparement, s’arrête là où vos prescripteurs vous ont dit d’aller.
    C’est bien dommage car le catalogue en français d’amazon kindle fourmille d’oeuvres d’auteurs qui mérient d’être mieux connus et lus.

    • Coffee dit :

      Vous vous sentez personnellement attaqué pour répondre aussi agressivement ? Je ne suis qu’une simple lectrice, j’ai autre chose à faire de mes journées que de chercher d’obscurs romans publiés dans de toutes aussi obscures maisons d’édition.
      Mais vous seriez bien aimable de m’aiguiller afin de satisfaire mon indigente curiosité.

      • je trouve insultant pour les nombreux auteurs français qui ont du mal a trouver un lectorat parce qu’ils sont édités chez des petits éditeurs de lire sur des blogs à droite et à gauche que le catalogue kindle (dont je ne cherche pas ici à faire l’apologie) est pauvre en auteur français.
        Comme l’offre est pléthorique justement, si on s’arrête aux derniers trucs dont on parle partout alors c’est vrai, on ne trouve rien.
        Le plaisir de lire, c’est aussi le plaisir de dénicher des auteurs qui n’ont pas pignon sur magazine ^^
        Je ne me suis pas senti attaqué. J’ai juste réagit avec empathie pour la majorité des auteurs français.

  4. et qui sont à des prix bien inférieurs à leur version papier.

    • Coffee dit :

      Je n’ai jamais dit que ça n’existait pas.

      • Je sais bien. Avouez quand même que les exemples que vous avez cité étaient peu représentatifs de l’offre générale quand même.
        ps: A propos de votre curiosité, la meilleurs façon de marcher, c’est de mettre un pied devant l’autre 😉

        • Coffee dit :

          Mes exemples sont TRES représentatifs, au contraire. En un mois, je n’ai trouvé aucun des livres que je cherchais au format ebook, ou à des tarifs honteux. Sauf en anglais.
          Ou alors, nous n’avons vraiment pas les mêmes lectures 😉

          • Ils sont représentatifs du marché mainstream. mais en prenant le temps, le plaisir et le risque, de farfouiller un peu plus longtemps, sans en rester aux grandes maisons d’éditions mais en allant taper dans l’édition indépendante voir, pourquoi pas, dans les auteurs auto édités, vous trouveriez certainement des livres de toutes sortes, de qualités, à des prix bien inférieurs que ceux que vous citez. Et vous verriez aussi à quel point les exemples que vous avez donné dans votre article sont minoritaires justement.

            • Coffee dit :

              Pourquoi aller changer de crémerie, prendre le risque de lire 15 mauvais bouquins avant d’en trouver un bon, alors que l’offre de certains éditeurs me convient très bien ? De nombreux catalogues sont excellents, c’est juste qu’ils n’existent pas en version numérique. Mes reproches s’arrêtent là.
              (Et qu’on soit clairs, je ne lis pas de Marc Lévy ou de Stephen King, ils étaient là pour l’exemple.)

              • et les miens vont un peu plus loin. En vous contentant juste de cela, au final vous n’avez que ce que vous souhaitez, à savoir un appauvrissement de l’offre au profit de ce qui est marketable. Dommage pour vous, vous vous privez de bons moments en bonne compagnie

                • Coffee dit :

                  C’est vrai que Camus, Sartre, Auster ou Oates, pour ne citer qu’eux, c’est vraiment un tel appauvrissement ! Je ne demande rien d’autre que de pouvoir lire des auteurs, certes connus, mais surtout reconnus pour une bonne raison ! Je crois que nous n’avons tout simplement pas la même conception de la Littérature…
                  Je ne doute pas que l’édition indépendante recèle quelques perles, perdues au milieu d’œuvres médiocres d’écrivains du dimanche.
                  Mais les grands éditeurs qui font bien leur boulot publient les grands auteurs, les vrais. Je ne demande qu’à pouvoir les lire sur ma liseuse. parfois, ce qui est « marketable » (quel mot affreux) l’est pour une très bonne raison : sa qualité littéraire. J’irai vers les auteurs dont vous parlez quand j’aurai épuisé mes lectures des grands auteurs de ce siècle et des précédents. Pas sûre qu’une vie suffise.

            • TheSFReader dit :

              Alexandre, bien que je fasse partie de ces farfouilleurs, je comprends aussi que d’autres n’y trouvent pas leur plaisir, et préfèrent utiliser leur temps de lecture à des « valeurs sûres » plutôt qu’à rechercher de perles au milieu de coquilles d’huitres pas forcément fraîches.

              Le fait est que les éditeurs offrent en général une offre « formattée », qui correspond sans doute au plus grand nombre de lecteurs, et souvent ayant une qualité littéraire au moins passable et des relectures et formattages convenables.

              Certaines oeuvre de petits éditeurs ou d’auteurs auto-publiés ne correspondant pas à ces critères minimaux et il est plus prudent, pour qui n’a ni le temps n l’envie de farfouiller, de présélectionner en utilisant ce critère « éditeur ».

              Après, il semble normal pour les lecteurs profitant de ce filtrage qu’ils en paient « le prix » : de vente, DRM etc.

              Je trouve aussi que vous avez été un peu aggressif, et ne pense pas sur ce coup là que vous ayez vraiment fait la pub des petits éditeurs et auteurs auto-publiés 😦

              • Coffee dit :

                Merci d’abonder dans mon sens et je suis d’accord avec une grande partie de votre commentaire.
                Ceci dit, je sens également dans vos propos une « méfiance » vis à vis des grands éditeurs. Mais mince ! Ces mêmes grands éditeurs ne publient pas que des œuvres fades, formatées pour le grand public !
                Je suis la première à me plaindre d’une certaine offre mainstream. Les exemples dans cet article ne sont pas représentatifs de mes lectures et on trouve dans ces catalogues de très grands auteurs, des auteurs qui resteront peut-être dans l’histoire et deviendront des classiques. On peut avoir du succès et être un génie littéraire.
                En vrac, Heinrich Böll, Gertrude Stein, Henry Miller, William Burroughs, ou même Louis Aragon ne sont pas publiés en numérique ! Et les grands noms publiés (Camus, Sartre, Céline) le sont de façon incomplète et à des prix honteux.

                • TheSFReader dit :

                  J’ai répondu à votre billet sur mon blog.

                  http://readingandraytracing.blogspot.com/2012/06/les-editeurs-francais-ne-sont-pas-des.html

                  Si ça vous intéresse, on pourrait aussi mettre mon billet en « droit de réponse » sur le votre.

                  Mais pour dédouaner (partiellement) les éditeurs concernant ces grands auteurs dont vous parlez : ils n’ont tout simplement pas les droits numériques attachés à ces oeuvres, pour lesquelles ils ont vraisemblablement uniquement les droits d’édition sur support papier. Les négociations sont sans doute en cours avec les auteurs (ou leurs héritiers), mais en attendant, publier sous forme numérique ces oeuvres serait de la contrefaçon.

                  Pour ce qui concerne le ‘incomplet et à des prix honteux, je vous renvoie à mon billet.

                  • Coffee dit :

                    J’ignorais complètement que les droits numériques étaient séparés des droits papier ! Ça explique effectivement beaucoup de choses.
                    Et je suis aussi persuadée qu’il s’agit d’une stratégie qui arrange les éditeurs. Votre article est très édifiant, merci !
                    Je fais comment pour l’ajouter en droit de réponse ? Un petit édit à la fin du mien avec le lien ?

                    • TheSFReader dit :

                      Un petit édit avec le lien par exemple, mais aussi pourquoi pas une sous forme d’un nouveau billet chez vous, reprenant tout ou partie du mien. Si vous voulez en discuter, vous devriez avoir mon adresse mail ? (TheSFReader trucchose gmail.com)

                    • Coffee dit :

                      Je me suis contentée d’un lien pour l’instant, je n’ai pas le temps de faire plus. Désolée !
                      Merci en tout cas pour cet échange très enrichissant. J’ai ajouté votre blog à mes favoris et prendrai le temps de vous lire attentivement.

                    • TheSFReader dit :

                      Super, merci 🙂 (et merci pour le commentaire chez moi 🙂 )

              • C’est vrai que j’ai été quelque peu réactif et mon propos n’était pas de provoquer la réaction également.
                C’est vrai qu’il y a à boire et à manger dans le nombre important d’auteurs auto-publiés.
                Cependant, je pense que si les lecteurs et les libraires, principaux destinataires de la production des auteurs, prenaient avec les auteurs à leur charge ce filtrage, tout le monde en tirerait bénéfice.
                C’est la passivité, que je retrouve un peu partout, qui me fait dire que finalement, on a l’offre qu’on mérite.
                Je pense juste que se plaindre d’un côté de la pauvreté d’une offre grand public hors de prix, et de l’autre justifier la passivité qui en est la cause n’a pas de sens.

                A propos de l’auto édition, il faut rappeler aussi qu’un certain nombres d’auteurs dits « classiques », contemporains ou non, ont été auto édités (Marcel Proust, Alexandre Dumas, Mark Twain, Edgar Rice Burroughs, Bernard Shaw, Thomas Paine, Virginia Wolff, Edgar Allen Poe, Rudyard Kipling, Henry David Thoreau, Benjamin Franklin, Walt Whitman, … et d’autres certainement. J’ai trouvé cette liste ici http://www.lucprevost.com/content/le-mythe-de-la-correction-en-maisons-d%C3%A9dition). Je me demande donc, à raison certainement, si aujourd’hui, tous ces auteurs auraient eut une chance de trouver un lectorat, tant de façon directe que par le biais des prescripteurs ou des éditeurs.
                De plus, quand on voit justement, comme le souligne à juste titre l’auteur du billet que j’ai donné ici, la faiblesse des services de réécriture/correction de certaines grandes maisons d’édition, qu’on peut d’ailleurs constater par soi-même (qui n’a jamais trouvé de livre provenant de ces grandes boutiques truffés de fautes d’orthographes, de grammaires, voir même de style ?), on peut aussi se demander si, au final, ne se tourner que vers ces circuits de distribution ne favoriserait pas également la baisse de la qualité formelle des oeuvres qu’on nous propose (puisque les lecteurs achètent, c’est donc que ça passe, alors pourquoi ne pas continuer à sous-traiter tout cela ?).

                J’ai à l’esprit un exemple assez intéressant, à propos du filtrage des maisons d’éditions.
                Beaucoup de librairies avec qui j’ai pu discuter m’ont dit que leurs habitués aimaient lire des nouvelles. Nous avons été contacté récemment par Dominique Warfa, écrivain de thriller et de SF belge francophone depuis plus de trente ans. Il cherchait à faire publier un recueil de l’ensemble de ses nouvelles de science-fiction et s’est vu opposer un refus systématique de la part de toutes les maisons d’éditions qu’il a contacté, s’entendant justifier ces refus par l’argument du marché (il n’y aurait pas un marché pour les recueils de nouvelles trop volumineux, les lecteurs n’aiment pas en lire, on le voit bien car personne n’en achète). L’argument tient peut-être, je ne sais pas, je ne suis pas un spécialiste du marché de l’édition et ne me base pour me faire une idée que sur l’avis de quelques libraires, ce qui n’est sûrement pas représentatif de l’ensemble. En revanche, ce dont je suis presque certain, c’est que si l’offre de recueil de nouvelles comme celui-ci est pauvre, les lecteurs, lorsqu’ils verront de tels recueils dans les étagères ne seront certainement pas attirés.

                Mon intention n’était pas de faire de la pub pour les petits éditeurs ou les auteurs auto édités. J’ai été très maladroit dans mon propos car j’ai été dans la réaction à propos d’un article qui l’a provoquée. Peut-être aurai-je dû m’abstenir ? Quoiqu’il en soit, je souhaitais souligner le fait qu’on a l’offre qu’on mérite, et que si on souhaite que cette offre change, alors il faut développer d’autres stratégies de lecture.

                L’époque que nous vivons nous offre des outils qui peuvent nous permettre de prendre en charge beaucoup plus de chose à bien des niveaux. Mais encore faut-il se décider à utiliser ces outils vraiment, et non reproduire avec eux ce qui a cours par ailleurs et qui justement appauvrit l’offre.

                On a deux façons d’aborder la lecture. La première consiste à considérer la lecture comme un divertissement (et c’est bien un divertissement). La seconde consiste à considérer la lecture comme un enrichissement culturel. Pour se divertir, nul n’a vraiment l’envie ni l’énergie de farfouiller. Mais se cultiver demande plus de temps. Rien n’empêche de lier les deux mais alors on investira plus de temps dans la recherche d’oeuvres divertissantes ET enrichissantes culturellement. Je ne parle pas là de l’offre, pléthorique, des classiques et/ou des contemporains qui ont fait leurs preuves à juste titre, et je ne dis pas qu’il faut faire ceci au détriment de cela. L’un n’empêche pas l’autre. On peut très bien faire les deux. Certes, ça demandera de s’investir un peu plus mais avec un bénéfice plus important.

                De notre côté, que les grandes maisons d’éditions disent ce qu’elles veulent à propos des recueils de nouvelles, de notre côté, parce qu’elles sont de qualité, qu’elles méritent d’être présentées aux lecteurs, nous ferons en sorte de publier celles que nous a communiqué Mr Warfa.
                Nous le faisons parce que nous sommes une coopérative regroupant des auteurs, des lecteurs, des prescripteurs et bientôt des libraires, nous pouvons le faire car nous n’avons pas d’impératifs financiers. Il est fort probable que ce recueil de nouvelles ne soit pas un best-seller si bien qu’il y a peu de chance qu’il soit trouvé sur amazon, ebookstore ou autres en tête de gondole, il faudra farfouiller pour le trouver, prendre connaissance de sa sortie en suivant des blogueurs qui farfouillent pour nous, etc.. bref, sortir des sentiers battus par le marché « mainstream ». Mais nous faisons le pari que Mr Warfa trouvera un lectorat pour ses nouvelles.

                Ceci étant dit en toute amitié 🙂

                • Coffee dit :

                  Débat stérile : on ne parle toujours pas de la même chose.
                  Je suis exigeante : je fais déjà le tri parmi les milliers de livres mis sur le marché français chaque année par les éditeurs traditionnels.
                  Je trouve que ça suffit amplement.

  5. Coffee dit :

    Je comprends votre énervement, mais je crois malheureusement être assez représentative d’une grande partie des lecteurs. Je fais confiance à certains éditeurs, qui me déçoivent rarement, pour sélectionner mes lectures.
    Je ne doute pas qu’il y ait des œuvres de qualité ailleurs : offrez-moi un job où je pourrai passer mes journées à lire et je chroniquerai ici des perles indépendantes.
    En attendant ce jour béni, je continuerai à me fier à mes auteurs favoris et aux grandes maisons, désolée !

    • C’est bien cela qui m’énerve. Ce n’est donc pas l’indigence du catalogue d’un distributeur ou la frilosité des éditeurs qui sont à blâmer, du moins pas uniquement. Les lecteurs ont aussi une grande part de responsabilité dans ce que vous soulignez dans votre article à juste titre d’ailleurs.

      Prendre un samedi après midi par mois pour aller chercher hors des sentiers bâtus éditoriaux, ça ne prend pas tant de temps que ça je pense ^^

      • TheSFReader dit :

        Alexandre, ce n’est pas aux lecteurs de sortir des sentiers battus, c’est aux auteurs et éditeurs indépendants de défricher et tracer des nouveaux sentiers, et de montrer avec patience et surtout sans animosité ou agressivité, lecteur par lecteur, que l’on peut s’écarter des autoroutes.

        Le seul moyen de sortir la littérature indépendante de sa mauvaise image est de présenter de la qualité, tant au niveau du fond que de la forme, et surtout un contact PRO.

        Notez bien, je n’ai pas dit formaté, mais PRO.

        Je suis un fervent défenseur de l’édition indépendante et l’auto-publication, mais je dois dire que votre intervention me donnerait plus envie de jeter votre livre au feu que de le lire… Et dieu sait que je n’aime pas jeter les livres au feu… (Fahrenheit 451 )

    • En fait, les éditeurs vous servent ce qu’ils pensent que vous attendez. Montrez vous plus exigeante avec eux et ils prendront plus de risque, diversifieront leur offre, bref vous aurez ce que vous attendez enfin 😉

  6. Rosalys dit :

    Je suis aussi d’accord avec la plus grande partie de votre article, ainsi qu’avec le commentaire de TheSFReader. Les grands éditeurs ont du mal à réagir face au numérique en France, mais restons optimistes car des éditeurs indépendants tentent des choses ! Je me permet de citer Univers partagés éditions qui vient de naître et propose des eBooks de 60 à 70% moins cher que leurs versions papier : http://univers-partages.org/editions

    • Coffee dit :

      Ont-ils du mal à réagir ou ne veulent-ils pas réagir ? Je me pose vraiment la question…
      Merci en tout cas pour votre réponse et le lien donné, même si l’univers est très éloigné de ce que je lis habituellement.

  7. Marie dit :

    Je n’y connais rien, n’étant pas intéressée pas les liseuses, mais je croyais avoir compris que beaucoup de classiques étaient gratuits ou disponibles pour une bouchée de pain?

    Je suis assez d’accord avec le commentateur précédent lorsqu’il dit : »En fait, les éditeurs vous servent ce qu’ils pensent que vous attendez. Montrez vous plus exigeante avec eux et ils prendront plus de risque, diversifieront leur offre, bref vous aurez ce que vous attendez enfin  »
    Même s’il est vrai que la curiosité demande du temps. J’ai pu néanmoins faire de belles découvertes ches des éditeurs moins connus grâce aux blogs que je lis et à des SP qu’on m’a proposés.

    • Coffee dit :

      Effectivement, tous les livres tombés dans le domaine public sont gratuits. Mais je ne lis pas que des classiques dans la vie 😉
      Je ne reviendrai pas sur les petits éditeurs, je n’y connais rien et n’ai ni le temps ni l’envie de m’y intéresser pour l’instant.
      Encore une fois, ce qui m’énerve, ce n’est pas le contenu des catalogues des éditeurs, c’est qu’ils n’aient pas l’air décidé à l’adapter au numérique.
      Je veux pouvoir lire du Auster, du Banks, du Toussaint, du Echenoz, à prix décent sur mon Kindle, même s’il existe sûrement plein de trucs bien ailleurs.

      • L’accord cadre passé en début de semaine entre Google et le Syndicat National des Editeurs d’un côté, et entre Google et la Société Des Gens de Lettre de l’autre, sur la numérisation des oeuvres dites « indisponibles » prouve justement que « l’industrie » a la volonté de développer cette offre numérique. Reste à savoir à quel prix pour les auteurs et dans quels conditions pour leurs droits.
        Pour plus d’information à propos de ce coup de boutoir à la Loi sur les indisponibles votée par le Parlement l’année dernière, lire http://owni.fr/2012/06/13/la-part-dombre-de-google-livres/

  8. Je vous cite : « J’en ai marre de cette littérature de la facilité, qui se contente d’une intrigue originale, de deux-trois personnages attachants et consensuels, et ne prend aucun risque. » Tiré du billet suivant https://coffeescorner.wordpress.com/2012/04/25/faut-il-changer-la-facon-de-choisir-mes-livres-extremement-fort-et-incroyablement-pres/

    Dont actes ?…

    • Coffee dit :

      Actes, puisque si vous avez lu mon dernier billet, vous savez que j’ai trouvé mon bonheur récemment chez… Actes Sud ! Et je lis actuellement le Roides Aulnes de Tournier qui m’a tout l’air d’une petite perle. 2 auteurs très peu publiés en numérique.
      Bref, j’arrête là car depuis le début nous ne parlons pas du tout de la même chose et vous continuez à insinuer que la grande édition est destinée aux gens qui ont peu de goût et d’exigences.
      Soit.

      • Je n’insinue rien. Justement, c’est la nature directe de mes propos qui vous ont heurtée et font que ce que j’essaye de dire est brouillé. Je ne crois pas du tout que les grandes maisons d’éditions sont destinées aux gens qui ont peu de goût et d’exigences. Je dis juste que de part leur fonctionnement, leur taille, les impératifs de rentabilité qui les gouvernent, elles ne peuvent donc que proposer une offre basée sur le plus petit dénominateur commun, et du coup, si de votre côté vous avez plus d’exigences, vous y retrouverez pas. prenez le temps de lire le commentaire que j’ai posté un peu plus haut en réponse à SFReader svp 😉

  9. Delphine dit :

    Bonjour, très intéressant. Je suis effarée moi aussi par l’attitude des éditeurs français sur le numérique. Ils en ont tellement peur, depuis des années, qu’ils ont essayé de freiner, de se protéger, d’aller contre le phénomène plutôt que de l’accompagner de manière intelligente et innovante. On sent dans les négociations auteurs/éditeurs (je suis traductrice pour l’édition) l’immense crispation sur ce sujet.
    J’ai assisté à une conférence au salon du livre sur l' »ère du numérique », tenez-vous bien, les éditeurs ont parlé… du mail qui leur permettait de mieux communiquer avec les auteurs. Ta-da ! On en est venu au numérique à la fin de la discussion mais de manière extrêmement négative et craintive.
    Bref, il va falloir attendre encore quelques années avant que l’offre devienne intéressante pour le lecteur.
    Quant à la discussion sur l’édition indépendante, s’il m’arrive par amitié d’acheter des livres de petits éditeurs, papier ou numérique, j’ai hélas rarement été subjuguée. Comme le dit Coffee, la vie est trop courte. Je rate sûrement des choses intéressantes mais je rate aussi des classiques merveilleux par manque de temps…

    • Coffee dit :

      Oh, traductrice dans l’édition, un métier qui m’a fait rêver à une certaine époque 🙂
      A quoi attribues-tu cette « crispation » ? Même si le livre papier n’est pas prêt à disparaitre, et tant mieux, ils passent quand même à côté de ce qui me semble une sacrée opportunité. J’ai acheté de nombreux ebooks pas très chers, alors que je n’aurais sûrement pas investi un centime dans leur version papier.
      En tout cas, ton intervention me rassure, je ne suis donc pas complétement folle !
      A bientôt !

      • Delphine dit :

        Désolée je vois seulement aujourd’hui ta réponse. C’est un sujet très compliqué et même si je regrette que les éditeurs n’aient pas mis plus de moyens pour mieux affronter et accompagner le passage au numérique, je comprends qu’ils aient peur du piratage. Je trouve juste que les réponses qu’ils ont eues pour l’instant ne sont pas les bonnes. Il y a plein de choses à imaginer dans ce domaine.

    • TheSFReader dit :

      Je suppose que ça ne vous intéresse pas une ou deux idées de lectures indés en anglais alors ? Selon vos genres préférés, j’peux vous en sortir quelques unes.

      Même ma mère a aimé les deux principales que je lui ai faites ! C’est dire ! ^^

      PS : Génial votre blog Delphine ! Direct dans ma blogroll ! 🙂

  10. […] Les éditeurs ont-ils peur que lancer un livre numérique sur le marché favorisera le piratage ? Certes, c’est sans doute une crainte fondée. Mais leur stratégie ne tient pas la route. S’ils ne sont pas capables d’offrir à leurs clients une offre décente, à des prix raisonnables, nous (enfin, je) irons chercher cette offre ailleurs. Et pourtant, je suis de celles et de ceux qui dépensent chaque mois des sommes importantes en produits culturels, essentiellement en livres. Je serais bien évidemment prête à payer pour mes ebooks en français, même si une offre illégale existait en parallèle.  […]

  11. […] ça que j’apprécie davantage, cet esprit me semble irremplaçable ; quand bien même des kindles se voudraient l’évolution moderne de ce support, elles ne réussiront jamais à restituer […]

  12. […] Ou alors, les finesses de l’édition m’échappent complétement. Je suis passée du côté obscur de la force et suis donc, depuis peu, l’heureuse propriétaire d’un Kindle …  […]

  13. Ouf ! Ouh là, j’ai pas le courage de me taper tous les commentaires, mais je passe simplement par là pour signaler que je venais d’ajouter ma modeste pierre à l’édifice de l’épineuse question du livre numérique, tous ça gentiment relayé par SFReader et c’est là que ça se passe. http://www.dimitriregnier.net/la-vie-du-livre/
    Bon… on l’air à peu près du même avis… m’enfin je suis moins énervé quand même… 😀

  14. Anonyme dit :

    … c’est vrai ça, quelle indécence de la part des éditeurs, quelle stupidité ! de leur part de ne pas mettre tout leur catalogue sur kindle en utilisant des formats qu’on leur impose, de ne pas tout mettre sur amazon (qui sur ses 930 millions de chiffre d’affaire l’an dernier en france n’en déclare que 25 millions, les 905 restants allant directement au Luxembourg sans passer par la case impôts français), de ne pas sacrifier leurs textes, leurs travaux typographiques au format Epub pour pouvoir être lisibles sur Ipad (« The place to be »), c’est vraiment incroyable de la part de tous ces éditeurs, gros, moyens ou microéditeurs de ne pas obéir aveuglément à la gadgétisation de notre société sans réfléchir au préalable à l’économie du livre numérique, au droit d’auteur pour le livre numérique, de ne pas réfléchir aux libraires indépendants qui ont fait la réputation de bon nombre de maisons d’éditions et leurs ont permis de pérenniser… c’est dingue que les libraires n’entendent pas crever en silence comme les disquaires il n’y pas si longtemps… mais ce qui est dingue aussi c’est de voir comment on peut cautionner des modèles économiques détestables sans s’en rendre compte… Tant mieux si en France on prend le temps pour réfléchir à l’économie du livre numérique sans se jeter corps et âmes dans les bourses de Apple Amazon Hachette et tutti cuenti… c’est vrai c’est dingue…

  15. […] Les éditeurs ont-ils peur que lancer un livre numérique sur le marché favorisera le piratage ? Certes, c’est sans doute une crainte fondée. Mais leur stratégie ne tient pas la route. S’ils ne sont pas capables d’offrir à leurs clients une offre décente, à des prix raisonnables, nous (enfin, je) irons chercher cette offre ailleurs. Et pourtant, je suis de celles et de ceux qui dépensent chaque mois des sommes importantes en produits culturels, essentiellement en livres. Je serais bien évidemment prête à payer pour mes ebooks en français, même si une offre illégale existait en parallèle.  […]

  16. […] Le Kindle a été lancé aux États-Unis en 2007, et la version internationale de l’appareil est disponible depuis 2009 dans plus de 100 pays. Les chiffres ne sont pas disponibles, mais ça doit représenter un beau paquet de ventes. Des millions, sûrement.Il est arrivé en France en 2011 pour la version de base et en 2012, pour la version Touch. Les éditeurs français n’ont donc pas été pris par surprise et avaient tout le temps de se préparer à la demande qui s’annonçait, vu le succès ailleurs. Et pourtant, il suffit que je regarde le catalogue français disponible pour que ça me mette en rogne.  […]

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